Vikings d’Écosse, tome 2/3

Romance historique — Orcades et territoire picte — 1ère édition juillet 2018 — Disponible en numérique, format poche épuisé.

  • Résumé
  • Tu l’as lu ?
  • Paroles de lecteurs
  • Mon petit mot
  • Prologue
Sous l'emprise du Viking romance historique Anna Lyra

Résumé

Ce devait être le plus beau jour de sa vie… Alors qu’elle s’apprêtait à épouser le fiancé choisi par son père, Derilia, fille de roi picte, voit sa vie basculer. En un éclair, une cohorte de Vikings déferle dans le village en fête en pillant tout sur son passage. Lorsque l’un d’entre eux la sort de sa cachette et qu’elle croise son regard impérieux, Derilia voit sa dernière heure arriver. Pourtant, cet étranger aux yeux clairs l’épargne et choisit de l’emmener sur son bateau avec son jeune frère, lui aussi prisonnier. Terrifiée, et résolue à cacher son rang de princesse, Derilia se raccroche à l’intuition étrange que son ravisseur la protégera… en attendant l’occasion de fuir !

Tu l’as lu ?

Si toi aussi tu as lu ce roman, n’hésite pas à laisser ton avis sur Amazon – ainsi que sur les plateformes de lecture (de type Babelio, Livraddict, etc.) si le cœur t’en dit ! C’est ton avis qui oriente les futurs lecteurs et lectrices, et qui contribue à faire connaître le roman. D’avance, je t’en remercie !

Paroles de lecteurs

De l’action, du mysticisme, de la passion et de l’humour voilà les ingrédients de ce second tome que j’ai trouvé palpitant.

Hamy

J’ai eu un coup de coeur particulier pour Derilia qui est une héroïne qui m’a énormément touchée. Un excellent moment de lecture, une belle histoire d’amour et une plongée au cœur des mondes viking et picte

Karine

J’ai énormément apprécié les thématiques de ce roman : d’un côté, il y a la question de l’émancipation de la femme, de l’autre celle de la religion et de la façon de la vivre, et enfin l’acceptation de soi.

Aurore

Mon petit mot

Dans cette romance, j’ai voulu aborder un thème difficile qui est l’acceptation de soi. Les deux héros se cherchent, refoulent leur être intérieur pour mieux s’intégrer… Et leurs cheminements respectifs les poussent l’un vers l’autre. Mais l’acceptation de soi ne passe ni par l’intégration de force à une communauté, ni par le renoncement à sa propre liberté, ni par la religion, ainsi qu’ils vont l’apprendre dans la souffrance.

Prologue

L’an 825 à Jarlöff, dans l’archipel des Shetland.

L’aiguille s’enfonça une nouvelle fois sous la peau du jeune Aslak, qui ne broncha pas malgré la douleur. La séance s’éternisait. Heureusement qu’en ces journées estivales, le soleil ne se couchait quasiment pas à Jarlöff. Boule incandescente rejoignant l’horizon au nord-ouest sans jamais se résoudre à plonger dans les flots, il lançait ses rayons rougeoyants à la face des hommes, comme pour les mettre au défi de trouver le repos en sa présence.

Aslak plissa les yeux. Ils étaient installés sur un banc de pierre devant la maison de sa mère, qui vivait seule depuis la mort de son père — du moins, depuis qu’il n’était pas revenu d’un raid.

— Ton tatouage va me prendre du temps, pesta Stig, penché sur son torse nu, sur lequel l’encre et le sang se mêlaient en une rigole sombre. Il ne sera pas terminé aujourd’hui.

— L’étape finale de mon initiation n’a lieu que dans trois jours, grinça Aslak entre ses dents.

— Je sais.

Et pour cause. Tout le village ne parlait que de ce grand événement. Du haut de ses quinze ans — c’était l’expression appropriée, car il dépassait déjà d’une tête la plupart des hommes du clan de l’Enfant —, Aslak allait devenir le premier guerrier-prêtre d’Odin sacré à Jarlöff, cette île du nord où le clan avait élu domicile avant sa naissance. Le premier berserker1 reconnu par le Maître de Tout depuis l’exode qui les mena des rives scandinaves aux îles Shetland. L’initiation prenait du temps. Après les rites et sacrifices d’usage, après les séances de méditation et les longues heures passées à parler mentalement à Odin Alfadir, Père de Tout, il ne manquait plus qu’une étape. Une étape cruciale. La mise à mort d’un ours.

Aslak serait un berserker, un guerrier-ours.

Odin comptait également à son service des guerriers-loups, mais c’était de l’ours qu’Aslak tirait sa force peu commune. Il devrait donc mettre à mort un représentant de la partie animale de son esprit, afin de réunir en lui l’homme et la bête. Le guerrier sacré et l’ours magique d’Odin.

Stig prit de l’encre sur la pointe d’un couteau fin, puis l’inséra lentement sous la peau d’Aslak, juste à côté de son téton. Celui-ci laissa échapper une plainte, bien vite réprimée.

— Es-tu prêt pour la cérémonie ? Herluf m’a dit que la peau d’ours était déjà prête.

Herluf, le meilleur ami d’Aslak, était aussi le fils de Stig. Lequel était réputé pour son adresse de tatoueur.

— Oui, elle a été consacrée au Maître de Tout. Il ne manque que… la bête de substitution.

Car sur cette île battue par les vents, impossible de trouver un ours. Le clan avait dû acheter une magnifique fourrure au dernier marchand venu commercer sur les rives des îles du nord : correctement purifiée, huilée et recommandée à Odin, il suffirait alors d’en revêtir un animal sauvage pour que la magie du Roi d’Ásgard fasse de lui, symboliquement, un ours.Le choix s’était porté sur un phoque mâle, parmi les colonies venant s’échouer sur les plages durant l’été.

La capture du gros mammifère et la mise à mort de l’esprit de l’ours constitueraient le point d’orgue de l’initiation d’Aslak, la confirmation du don d’Odin. Aslak boirait ensuite un breuvage rituel qui lui permettrait d’aller à la rencontre des dieux. Tout le village y assisterait, et un grand banquet viendrait clôturer la journée pour accueillir le nouveau berserker au sein du clan.

Voilà comment cela devait se dérouler. Nul prêtre pour dicter une conduite à tenir, nul dogme à respecter… Chez les Vikings, chaque homme honorait les dieux à sa façon. Le plus souvent, il était question de sacrifices et – surtout – de banquets.

Devenir un guerrier d’Odin, réceptacle de sa puissance, était un grand honneur, Aslak en avait conscience. Il s’apprêtait à vivre une expérience inégalée. Les hommes le respecteraient, les femmes l’admireraient. Tous le craindraient. Pourtant, ce n’était pas la promesse de gloire qui emplissait son cœur d’une joie sauvage… Mais tout simplement l’espoir de voir la fierté se peindre sur le visage de sa mère. Elle ne le complimenterait pas, il le savait. Elle ne le serrerait pas dans ses bras. Mais elle serait fière de lui, et cela lui suffirait.

Telle était sa voie : recevoir la bénédiction d’Odin et devenir l’un de ses guerriers sacrés.

Ce tatouage représenterait sa part animale, la force suprême et le courage sans limite que lui offrirait Odin au terme de son initiation.

Stig retira le couteau et se redressa contre le ciel en feu de cette soirée d’été.

— Assez pour aujourd’hui ! Nous terminerons demain.

Il essuya avec un chiffon la tâche noirâtre qui maculait le torse d’Aslak, laissant apparaître des volutes bleu sombre s’enroulant autour de ses muscles.

— Les pattes arrières seront plus facile à dessiner. Ça ira vite.

Aslak opina, se remettant debout avec une grimace de douleur. Il ne remit pas sa chemise, préférant laisser les multiples piqûres à l’air libre pour hâter la cicatrisation.

— A demain, alors ! Je dois vite te laisser, j’ai quelque chose à faire avant le souper et je ne veux pas faire attendre ma mère.

— Aslak ?

Il s’arrêta, se tournant vers le père de son ami qui nettoyait son matériel avec le même chiffon sale.

— Bonne chance pour la fin de ton initiation.

— Oh… Merci. Mais ce ne sera qu’une formalité ! C’est quasiment terminé.

— Seuls les dieux décident de la fin, Aslak. Je te souhaite de réussir.

Il hocha la tête et s’éloigna, chassant les craintes de Stig. Il était un berserker dans l’âme ! Odin ne refuserait pas son bras.

Il accéléra le pas. L’heure de nattmal, le repas du soir, approchait, et Aslak avait faim. Comme les autres, il n’avait rien mangé depuis dogurd, le repas de la matinée et, parfois, cette attente lui paraissait insupportable. Son corps grandissait encore et il en ressentait les besoins.

Il jeta un rapide coup d’œil à la position du soleil, en train d’obliquer vers le nord. Sa mère devait être en train de superviser son esclave cuisinière pour veiller à ce que tout soit prêt. Plus tôt dans l’après-midi, il avait senti l’odeur appétissante d’un ragoût de poisson et de légumes en train de mijoter, ainsi que de knackebrod2 tout chaud, à peine sorti du four.

Il n’avait plus beaucoup de temps pour aller voir Douce…

Pourtant, il devait lui parler sans tarder.

Et, cette fois, elle l’écouterait. Elle sauterait certainement de joie. Quelle plus belle marque de considération pouvait-il offrir à une jeune esclave que de la racheter à son propriétaire pour en faire sa concubine officielle ?

Il avait participé à sa première expédition au printemps dernier, ramenant suffisamment de grain, d’or et de bijoux pour se constituer un petit magot. De quoi racheter Douce, et même plus. Dès qu’il serait un berserker à part entière, il pourrait prendre femme et son choix était déjà arrêté sur cette jolie fille au teint pâle, à la parole rare et au regard perçant.

Le temps des baisers volés et des chastes étreintes sous l’abri d’un mur ou d’un buisson touchait à sa fin.Douce serait bientôt sienne, et il aurait tout loisir de l’aimer dans le confort de son foyer, sans plus aucune raison de se cacher des regards indiscrets. Bien sûr, ils devraient vivre chez sa mère, mais l’alcôve où il dormait leur offrirait bien assez d’intimité, pour le moment.

Aslak quitta les limites du village et orienta ses pas vers le nord. Il franchit la langue de terre bordée par la mer de part et d’autre menant à la grande prairie où, à l’abri d’une palissade de dalles de pierres dressées contre les vents marins du sud et les vents polaires du nord, un maigre potager donnait quelques légumes, à la bonne saison. Douce serait sûrement là… Son maître, Dagmar, la faisait travailler dans sa petite plantation où il s’entêtait à vouloir faire pousser du cresson, de l’orge et quelques rachitiques pieds de fèves. La récolte n’avait lieu qu’à la fin de l’été, et non au printemps comme dans les riches terres du sud, mais les pauvres légumes ratatinés ainsi obtenus l’emplissaient d’orgueil.

Aslak sourit en imaginant la réaction de la jeune fille. Elle serait ravie, bien entendu ! Pour une esclave, devenir concubine d’un berserker représentait une chance inouïe.

Elle apprendrait à l’aimer. Il en était certain.

Un jour, peut-être même lui rendrait-elle ses baisers avec une fougue égale à la sienne, sans donner l’impression de subir ses élans de tendresse… Sans serrer les dents ni fermer les yeux.

Ce n’était qu’une question de temps.

Enfin, il atteignit le potager. Personne à l’horizon, mais des bruits étouffés lui parvinrent depuis l’abri où l’on rangeait les outils. Une cabane de pierre circulaire ouverte aux courants d’air. Il n’y avait pas de porte, car aucun voleur dans les environs, et les bêtes sauvages ne s’intéressaient guère à quelques bêches, faucilles et paniers vides.

— Douce ! lança-t-il joyeusement en se courbant pour entrer. J’ai une grande nouvelle pour toi…

Sa phrase mourut sur ses lèvres, et il se figea, incrédule.

Devant lui, Douce gisait sur le sol, la robe troussée jusqu’au ventre, le visage en larmes, et au-dessus d’elle s’activait une silhouette d’homme. Celui-ci sursauta et se releva aussitôt, le membre encore raidi, à moitié caché dans la pénombre.

Thorkil !

Aslak déglutit avec peine en reconnaissant l’un de ses amis, de quelques années son aîné. Thorkil, en revanche, poussa un soupir de soulagement.

— Ah, c’est toi, Aslak ! Tu m’as fait une de ces peurs… J’en avais presque terminé.

— Que fais-tu là ? Tu… Douce…

La jeune esclave se redressa avec peine, frottant énergiquement ses joues pour y effacer toute trace de larmes, et quitta la cabane sans demander son reste. Aslak demeura immobile, incapable de bouger ou de parler pour la retenir.

Consterné. En état de choc.

De plus en plus irrité au fur et à mesure que la brutalité triviale de la scène lui apparaissait… Il sentit la jalousie consumer son cœur, le feu de la colère envahir ses membres.

Thorkil referma ses braies avec un sourire complice, tandis que la respiration d’Aslak s’accélérait furieusement.

— Cette petite est un peu sauvage, mais depuis le temps qu’elle promène son derrière appétissant autour de moi… Tu ne diras rien à Dagmar, hein ?

Alors, il se passa quelque chose d’étrange.

Aslak perdit pied avec la réalité. La cabane, l’obscurité, la mine réjouie de Thorkil… Tout ce qui l’entourait s’estompa. Les paroles de son ami se perdirent dans l’air sans lui parvenir.

Son champ de vision se rétrécit, teinté d’une étonnante coloration de rouge grenat. Il eut la sensation grisante, libératrice, de sauter d’un précipice…

Et il cessa de voir et d’entendre.

Lorsque Aslak revint progressivement à lui, il était assis contre le mur de la cabane, les yeux rivés sur l’horizon indigo sur lequel se détachait le village de pierres de Jarlöff. Une grande sérénité l’habitait. Une sensation de complétude qu’il n’avait encore jamais éprouvée.

Un oiseau de mer se posa sur la clôture de pierre du potager, à quelques pas de lui. Après l’avoir considéré un instant avec circonspection, le volatile décida visiblement qu’il ne représentait aucun danger pour lui et partit arpenter le jardinet d’une démarche saccadée.

Aslak prit une grande inspiration, ressentant au plus profond de son être la pureté de l’air.

Il faisait sombre, et la pensée d’avoir manqué le nattmal le traversa soudain. Sa mère lui en voudrait certainement…

Baissant les yeux, il remarqua enfin ses mains, croisées sur ses genoux.Couvertes de sang.

Recouvrant brusquement tous ses esprits, il se redressa d’un coup, luttant contre un étourdissement passager.

Que lui était-il arrivé, par la barbe d’Odin ?Des visions fugaces se frayèrent un chemin à travers le voile qui obstruait sa mémoire. Le tatouage entamé par Stig, la bonne nouvelle à annoncer à Douce, la cabane, Thorkil…

Thorkil !

Aslak se mordit la lèvre et hésita à entrer dans la cabane… Il ne savait que trop ce qu’il allait y découvrir. Une courte prière jaillit de sa gorge enrouée.

Père de Tout, fais que ce ne soit qu’un cauchemar.

Lorsqu’il trouva la force d’entrer, l’horreur l’envahit. Un lent frisson de dégoût parcourut ses jambes, sa colonne vertébrale, ses bras, avant de venir mourir dans sa nuque. Une atroce nausée le saisit à la gorge.

Sur le sol gisait le corps désarticulé de Thorkil. Le nez éclaté, la gorge zébrée de traces mauves et bleues. Les yeux exorbités, injectés de sang. Monstrueuse, une langue gonflée dépassait de sa bouche paralysée sur un cri muet.

Les yeux brûlés par les larmes, Aslak regarda à nouveau ses mains, maintenant tremblantes.

Des mains coupables.

1Guerrier-prêtre d’Odin animé par une fureur sacrée qui le rendait redoutable au combat.

2Pain croustillant à base de farine d’orge, de seigle ou de son, percé en son milieu, sur lequel on étalait du beurre salé.