Romance historique française — Paris — 1ère édition juin 2022 — Disponible en numérique et poche.
- Résumé
- Tu l’as lu ?
- Paroles de lecteurs
- Mon petit mot
- Prologue
Résumé
Paris, 1796
En apparence, Constance s’étourdit de bals, de frivolité, et des folies de la jeunesse parisienne au lendemain de la Terreur. En réalité, une colère sourde gronde en elle : elle a tout perdu dans la violence de la Révolution. Sa famille a péri sous la lame de la guillotine, elle-même a failli les suivre, et son coeur réclame réparation. C’est dans ce contexte qu’elle rencontre Gabriel Rocheran, avocat piquant de sarcasme et fervent partisan des idées égalitaires.
Ils s’opposent dès le premier regard, les premiers mots, et pourtant ils ont désespérément besoin l’un de l’autre…
Tu l’as lu ?
Si tu as lu ce roman, et si le cœur t’en dit, n’oublie pas de laisser ton avis sur la plateforme d’achat et/ou sur les sites de lecteurs (type Livraddict, Babelio, Booknode, etc). C’est très important pour le roman, ce sont tes mots qui vont l’aider à trouver ses lecteurs. D’avance, je t’en remercie !
Paroles de lecteurs
Enfants survivants de la Terreur, Constance et Gabriel tentent désespérément de trouver un sens à leurs vies brisées par la guillotine.
Une histoire passionnante sur une époque peu abordée dans la romance, très enrichissante et documentée grâce aux annotations historiques. Anna Lyra réussit à intégrer naturellement ses personnages de fiction avec ceux ayant réellement existés avec un naturel confondant.
Quand l’histoire et la fiction se rejoignent pour une romance des plus saisissantes !
Dans une période sombre et tourmentée, Anna Lyra nous entraîne sur l’avenir des enfants survivants de la Terreur !
Le Boudoir du Livre
Anna Lyra retranscrit avec talent le souffle de ces années post-traumatiques où les sociétés, en tout cas celle des nantis, ont cette incroyable propension à envoyer balader les anciennes conventions pour s’adonner sans barrière à toutes sortes de plaisirs et d’excès. Certaines scènes sont fulgurantes et méritent le détour ! Les personnages sont riches et nuancés, les fils et filles parfaits de cette époque où chacun est, à sa manière, un survivant. A ce titre, Constance et Gabriel découvriront, malgré leur antagonisme de classe et de caractère apparent, combien ils sont proches et se ressemblent. Leur histoire romantique avance d’une façon crédible et intelligente, avec tout ce qu’il faut pour en faire cette belle aventure qui m’a transportée. Un gros coup de cœur pour ce titre, que je relirai certainement !
Everalice, Boulevard des Passions
Mon petit mot
J’ai vraiment adoré écrire ce roman. Pour la première fois, j’ai enfin abordé une période historique qui me passionne depuis mes 10 ans, à savoir le Directoire et les lendemains de la Terreur. Une période compliquée pour une romance, me diras-tu ? Eh bien, pas tant que ça… Je me suis laissée emporter avec plaisir par l’histoire d’amour entre Constance et Gabriel, et j’espère que tu l’aimeras tout autant.
Prologue
19 thermidor an II – mercredi 6 août 1794
Ils vont revenir pour moi.
Constance vit avec cette certitude de jour comme de nuit. Curieusement, elle ne ressent plus nulle colère : elle a appris, dans la douleur, à accepter le Destin tel qu’il se présente. Il ne sert à rien de se rebeller… De chercher à comprendre.
Seule compte la détermination à survivre, si Dieu le veut.
Voici la grande leçon que tous, entre ces murs, ont assimilée. Chaque âme confinée en cette geôle nourrit un but commun : survivre, si c’est possible. Le reste n’est que futilité.
Même Rose, naguère si insouciante, a récemment pris des allures de déesse guerrière de l’Antiquité. Elle ferme résolument les poings, fronce les sourcils au-dessus ses yeux verts dénués de larmes. Tout sourire envolé, elle arbore une ride permanente sur son front blanc couronné de mèches ternes aux boucles affaissées.
Justement, son regard tombe sur Constance.
— Ne vous tourmentez pas, ma chère, murmure-t‑elle de cette voix suave qui roule ses « r » comme une rivière ses galets. L’espoir fait vivre !
Constance ne trouve pas la force de répondre. De l’espoir, elle n’en a plus guère ; mais cela lui est égal. Elle n’éprouve plus le besoin de croire en des jours meilleurs : l’Apocalypse se déchaîne sur cette Terre et nul n’y échappera.
Ils vont revenir pour moi, c’est certain.
Elle lève la tête vers le graffiti que Rose a écrit sur l’une des pierres jaunes du mur, à l’aide d’un crayon à papier, durant les premiers jours de leur emprisonnement dans l’ancien couvent des Carmes. Ses yeux virevoltent d’un mot à l’autre par habitude. Elle a tellement lu et relu ces phrases qu’elle peut les réciter les yeux fermés…
« Liberté, quand cesseras-tu d’être un vain mot ? Voilà aujourd’hui 17 jours que nous sommes enfermés ici. On nous dit que nous sortirons demain, mais n’est‑ce pas là un vain espoir ? »
Ce muet cri de désespoir confié à la pierre est signé « Joséphine, veuve de Beauharnais, d’Aiguillon » et « Citoyenne Tallien » : il date du temps où Rose se faisait encore appeler de son second prénom par coquetterie… Du temps où d’autres infortunés partageaient leur cellule. Depuis, la plupart des femmes que Rose et Constance ont côtoyées sont montées dans la funeste charrette quotidienne qui mène les prisonniers à la guillotine. D’autres, comme Thérésa, l’amie de Rose qui a signé le mur avec elle, ont simplement été transférées ailleurs dans l’attente que leur tour vienne.
Car leur tour viendra. Il vient toujours ! Aussi vrai que le soleil se lève chaque matin, la charrette n’épargne personne.
Rose et Constance sont seules, désormais. Elles ont au moins la chance de partager une cellule relativement spacieuse et dénuée de rats. Tous les prisonniers ne peuvent en dire autant… La nuit, on entend souvent un cri étouffé lorsqu’un rongeur affamé vient croquer dans la chair d’une main ou d’un orteil.
Constance et Rose font encore l’effort d’une maigre toilette à l’aide du broc d’eau qu’on leur octroie chaque jour, préférant conserver une hygiène de base au lieu de boire, mais elles ne parlent plus beaucoup. C’est inutile.
Ils vont revenir… Ce sera aujourd’hui.
Constance sourit. Si la charrette vient pour elle, cette fois, elle connaîtra au moins le bonheur de retrouver les siens avant la tombée du jour. Son père, sa mère, Antoinette sa sœur aînée… Elle reverra très bientôt leurs visages chéris, et cette pensée répand une douce chaleur dans son corps amaigri.
Elle ne les a guère revus depuis leur arrestation, au point du jour, dans leur hôtel particulier rue des Francs-Bourgeois, pour le simple crime d’appartenir à la noblesse. En vertu de la Loi des suspects1.
Depuis, Constance vit un véritable cauchemar. La jeune fille de bonne famille qu’elle était, uniquement préoccupée de musique et de broderie en attendant l’arrangement de son mariage, n’est plus et nulle autre n’a encore pris sa place.
Constance a la sensation de se trouver entre deux eaux. Ni elle ni une autre. Ni vivante ni morte.
Pour l’instant.
La nuit, elle ne cesse de rejouer la scène derrière ses paupières closes. Sa mère, en chemise et bonnet, s’agrippant au bras de son père entraîné par des hommes armés de piques et de pistolets. Antoinette en larmes, bousculée, malmenée. Et elle, jeune fille de dix-sept ans à peine, figée en haut de l’escalier, refusant de croire que son monde était en train de s’écrouler…
Un matin, elle les a entendus monter dans la charrette sans même pouvoir les apercevoir ; la fenêtre est bien trop haute pour elle. Le doute, cependant, n’est point permis. Les sanglots de sa mère et de sa sœur la hantent encore.
La voix de Rose la ramène brusquement à la réalité.
— Écoutez !
Constance se fige sur sa couche, une simple banquette de bois dotée d’une couverture élimée, et prête l’oreille. En effet, elle ne tarde pas à entendre à son tour le lointain grincement des roues de la charrette. La mince fenêtre de leur cellule donne sur l’avant de la prison des Carmes, là où s’arrête l’attelage.
Rose et Constance fixent sans les voir les barreaux de fer qui condamnent leur horizon. Silencieuses comme des nonnains, mais le cœur battant la mesure d’un quadrille endiablé.
Ils reviennent pour moi.
Le sourire de Constance se fane tandis qu’elle sent son cœur se serrer, ses entrailles se rebeller. Le martellement de ses tempes devient si puissant que des points noirs envahissent soudain sa vision.
Rose se précipite pour lui enserrer les mains.
C’est une habitude qu’elles ont prise pour attendre ensemble l’arrivée de la charrette et découvrir si l’une d’elles, ou bien toutes deux, fera partie ou non de la « livraison » du jour à Dame Guillotine, que d’aucuns surnomment le Hachoir National2.
Constance fixe les ongles de Rose, aussi noirs que les siens. Le peu d’eau qu’elles ont ne suffit pas à en ôter la crasse, elles préfèrent l’utiliser pour laver leurs pieds et leur visage.
L’aigre sanglot de l’essieu, fourbu par tant de funestes trajets, s’intensifie de même que le regard de Rose dans les yeux de Constance.
— Ce ne sera pas pour nous, répète Rose spasmodiquement, comme si une ferme conviction pouvait rendre son souhait prophétique. Ce ne sera pas pour nous !
Constance serre plus fort les mains de son amie.
Elle connaît les raisons de son espoir sans bornes, de sa ténacité à survivre quoi qu’il arrive. Il y en a deux, blondes et rieuses, âgées de treize et onze ans, répondant aux noms d’Eugène et d’Hortense. Orphelins de père, le premier placé en apprentissage chez un menuisier, la seconde confiée aux bons soins d’une gouvernante amie de Rose, Mlle Lannois.
Rose ne peut pas se permettre de mourir et n’en a nullement l’intention. Elle se bat chaque jour contre l’attrait de la reddition. Pour eux. Constance, une fois de plus, ne peut s’empêcher d’admirer le courage de son amie. D’élégante et raffinée épouse de vicomte général de l’Armée du Rhin, elle s’est révélée une guerrière acharnée. La prison et l’approche de la mort, qui peut frapper à tout moment, possèdent ce curieux effet de dévoiler la véritable nature des êtres.
Le grincement expire au pied de la fenêtre.
Le pas lourd d’Aimé, le cocher au prénom si peu approprié à son physique rustique et à son éternelle grimace morose, résonne sur les marches du perron. D’autres pas résonnent bientôt dans les couloirs, derrière la porte de chêne nantie d’une énorme serrure.
Mieux vaut qu’ils viennent réellement pour moi… Rose doit vivre, pour ses enfants.
Constance se lève, résignée à son sort mais décidée à supplier, si besoin, que l’on épargne son amie mère de famille. Elle ne quitterait pas cette existence de misère sans faire entendre sa voix !
— Que faites-vous donc ? s’agace Rose en la forçant à se rasseoir. Ce ne sera pas pour nous ! Si nous y croyons suffisamment fort…
— Merci pour tout, Rose. Pour votre perpétuelle espérance, votre combativité. Cela m’a aidée.
— Ne dites point de sottises ! Ce n’est pas un adieu, Constance, nous ne savons même pas qui va…
— Ils viennent pour moi et c’est bien ainsi. Ne soyez pas triste pour moi, chère Rose, car je vais retrouver les miens…
Constance n’a pas parlé depuis longtemps, et sa voix éraillée lui paraît celle d’une autre. Rose secoue violemment la tête et lui broie le poignet.
— Êtes-vous donc si pressée de faire cette ultime promenade vers la place de la Révolution ?
— Je ne les laisserai pas vous emporter aussi, souffle Constance en évitant son regard aussi affûté que la lame oblique du Hachoir National. Je prendrai votre place, si nécessaire, je prierai à genoux que l’on vous épargne.
— Ne… Ne soyez point sotte !
— Vous reverrez vos enfants.
— Je vous interdis de me laisser seule ici, Constance !
Soudain, un cri éclate dans le couloir, met fin à leur dispute. D’autres roues cerclées de fer approchent, puis une cavalcade de sabots pressés et des bruits de course entre les cellules.
— Que se passe-t‑il ? s’écrie Rose en faisant face à la porte close.
— Par Dieu, je l’ignore.
Il y a beaucoup de monde dans la prison. Des portes claquent. Il y a des sons métalliques de clés qui tournent. Des cris. Des sanglots.
Constance se plante près de Rose, décidée à faire montre du même sang-froid que son amie.
— Pensez-vous qu’ils… Enfin, que nous partions tous, aujourd’hui ? Peut‑être vont‑ils tous nous emmener !
— Cette agitation ne peut signifier qu’une chose : il s’est produit quelque événement important.
Rose lui jette un regard désemparé. Pour la première fois, Constance croit y voir briller le scintillement d’une larme et une vague de chagrin la submerge aussitôt.
Son amie partageait ses craintes, sachant bien qu’un « événement important » signifie bien souvent la mort d’innocents.
— Oh ! Rose… Je suis désolée.
La veuve se reprend bien vite, tamponne ses yeux d’un geste élégant à l’aide de sa manche sale, puis arbore un sourire qui achève de crever le cœur de Constance.
— Il ne faut pas, ma chère. Montrez-vous digne, faites honneur à vos pauvres parents. Nous sommes les navires bien malheureux qui traversent une tempête sans pareille : quoi que nous fassions, il semble que le naufrage nous guette.
Les deux femmes se prennent les mains, comme toujours lorsqu’elles attendent de voir qui montera dans la charrette quotidienne.
Une clé cliquette dans la serrure.
Nous y sommes.
Constance serre les dents, sans oser lâcher le regard vert de son amie où montent inexorablement des larmes.
Elle ne voit pas l’homme qui fait irruption dans leur geôle, mais son hurlement joyeux la frappe aussi violemment que l’eût fait un coup de bâton.
— Vous êtes libres ! Le Boucher3 est mort. Allez, allez, sortez tous ! Au nom de la Convention nationale4, vous êtes tous libres !
Interdite, Constance suit son amie à l’extérieur, le pas chancelant et le souffle court. Un homme la soutient. Elle ignore qui et ne cherche pas à le découvrir : se concentrer sur ses foulées malhabiles pour ne pas chuter relève déjà de l’exploit. La foule se fait de plus en plus dense à mesure qu’elle approche de la sortie…
La sortie. Ce rectangle lumineux, au bout du couloir, représente-t‑il réellement le salut, après avoir matérialisé la porte des Enfers pour des centaines de prisonniers avant elle ? Constance n’ose y croire.
Elle se retrouve sur le perron, déséquilibrée par la cohue ; l’homme qui l’aidait la lâche et ses jambes manquent céder sous son poids.
— Venez, ma chère !
Au moment où elle croyait tomber et se faire piétiner, voici que Rose lui tend la main. Elle s’y agrippe. Son amie n’est guère vaillante elle non plus, mais toutes deux parviennent à s’éloigner de la frénésie qui règne maintenant dans la prison des Carmes aux portes ouvertes en grand.
— Ne vous l’avais-je pas dit, Constance ? murmure Rose avec ferveur. Nous ne mourrons pas sous leur hachoir ! Nous voici vivantes et libres.
Constance place une main en visière au-dessus de ses yeux pour se protéger de la luminosité.
Libres ?
Elle peine encore à réaliser. Quelques instants plus tôt, elle était persuadée de devoir rendre son âme à Dieu… D’avoir achevé son parcours terrestre, de laisser derrière elle souffrance et injustice pour rejoindre le Royaume des Cieux où elle aurait enfin trouvé la paix.
Et à présent, la voici libre.
Mais libre de quoi ? De reprendre une vie qu’on lui a volée ?
Sa famille n’est plus. Sa maison a été confisquée.
Que va-t‑elle faire, à présent ? Que peut-elle faire ? Constance commence à paniquer en réalisant qu’elle n’a pas même un endroit où aller.
Et si sa sœur, ses parents avaient vécu quelques jours ou semaines de plus ? Ils auraient été épargnés aussi, ils se seraient retrouvés ! Ils seraient ensemble, heureux, en ce moment même.
Au lieu de cela, Constance est dorénavant seule au monde et sans ressources. Quelle iniquité ! Quel coup du sort…
La confusion la gagne.
Elle balbutie des mots épars, refuse les paroles de Rose qui cherche à l’apaiser. Elle n’écoute que sa propre peur, sa douleur immense et sa colère qui s’exprime enfin.
Elle pleure des larmes de rage tandis que sa poitrine lui semble s’ouvrir en deux tant la souffrance devient insupportable.
Une résolution naît alors en son cœur, lui insufflant une force nouvelle.
Elle va vivre, puisqu’on l’y oblige.
Mais elle vengera sa famille.
1. Décret voté par la Convention sur proposition du député Cambacérès, et qui stipule que toute personne suspectée de nourrir des idées contre-révolutionnaires sera immédiatement arrêtée et ses biens confisqués.
2. Surnom de la guillotine à partir de la multiplication des exécutions en 1793.
3. Maximilien de Robespierre, guillotiné le 10 thermidor soit le 28 juillet 1794, en compagnie des chefs de file des Jacobins.
4. Assemblée élue qui gouverne la France depuis 1792 avec pour mission de donner une Constitution à la France, et qui a fondé la Première République. Après la chute de Robespierre, on l’appellera Convention thermidorienne.